L’importance de la Rencontre


Pourquoi interroger le concept de RENCONTRE ?

Nous pouvons différentier le terme de rencontre de celui de relation en citant M. GEOFFROY : « Ce qui advient pour chacun ne peut être envisagé que dans l’assomption de la relation au statut de rencontre ».

Par rapport au terme relation, pour nous, la notion de rencontre est plus située dans le temps dont les débuts peuvent s’approcher d’une forme de « coup de foudre », c’est à dire une rencontre très marquante avec une personne.

On érige ce moment en « rencontre » dans la mesure où cela à été certainement déterminant pour un choix professionnel pour nous Médecins, Aides soignants…

Aborder le concept de Rencontre ne peut se faire sans relater ici l’histoire d’Odile Letortu.

Dans les années 80, la maladie d’Alzheimer n’était quasiment pas enseignée en faculté de médecine.

Qu’est ce qui a pu décider de jeunes et moins jeunes médecins, dans les années 80, à choisir le métier de gériatre et à choisir avec passion de développer des soins spécifiques pour les personnes dites « démentes » ?

La rencontre marquante

  • 1983: dans un long séjour de 800 lits dans la banlieue nord de Paris, une chambre, 4 personnes dites « démentes » et parmi elles : « la dame au sabre ».

« La première personne Alzheimer que j’ai rencontré, je l’ai appelée « la dame au sabre« . Cette résidente d’origine slave amusait beaucoup ses voisines de chambre avec un récit de cauchemar assez récurrent : toutes les nuits, un homme la coupait verticalement en deux avec un grand sabre. Elle cherchait le contact, elle savait rire et faire rire, elle était avide de communication et ses voisines de chambre y répondaient. »

Cette première rencontre, faite sous le signe du « bonheur de vivre » fut un facteur déclenchant, une étincelle.

Cet évènement est ce qui a décidé une véritable vocation (en des temps lointains…de peu de théories). Odile a donc approfondi sa recherche d’échanges, de discussions, de partages de moments de vie, de tentatives de soin, suivant ses intuitions et se fiant à certaines attitudes des soignants avec lesquels elle s’initiait à l’accompagnement des personnes âgées dépendantes dans des grands longs séjours de la région parisienne.

« Pour moi, médecin et pour d’autres, psychiatres, le concept de démence restait flou, non lesté de définitions médicales et les connaissances étaient quasi inexistantes. »

S’est imposée alors la volonté de faire des recherches bibliographiques et de se consacrer à faire une thèse de médecine en 1984 avec pour sujet « Les modes de prise en charge et les thérapies non pharmacologiques des personnes âgées démentes ».

 

A l’époque, le nom d’Alzheimer n’était pas familier, peu parlant, mis dans un même sac de pathologies, on parlait des maladies de Pick et d’Alzheimer, sans insister sur l’intérêt de cette nosographie puisque entachée de plusieurs qualificatifs particulièrement violents pour la médecine de l’époque tout autant que pour le grand public :

  • les personnes porteuses de ces maladies étaient démentes
  • séniles, donc vieux
  • hors du temps et du monde
  • et sans espoir de guérison

Quadruple verdict, n’entraînant pas vraiment une volonté de développer des soins.

La définition médicale était la suivante : détérioration globale et irréversible des fonctions intellectuelles consécutive à une atrophie cortico-sous corticale sévère.

Où est « la dame au sabre » dans cette définition ?

Les connaissances de l’époque citées ci dessus, les concepts utilisés pour désigner les malades étaient  en contradiction avec ce que les soignants pouvaient vivre auprès de ces personnes.

On voit alors qu’entre la rencontre et l’accès à la connaissance, le regard sur l’autre (le malade Alzheimer) est voilé, modifié par ces concepts.

Fort heureusement, dans la littérature, il y avait aussi un autre discours, celui de l’importance de la relation, du dialogue, de l’importance de faire des groupes de paroles… Ploton (psychiatre) parlait d’une préservation de la vie psychique. C’est donc grâce à la découverte de cette partie de la littérature qu’Odile comprit avec bonheur que le hiatus entre ce qui était vécu au quotidien dans le travail de soin et de rencontre et la définition médicale classique telle qu’elle était enseignée, était au cœur de nombreux questionnements éthiques.

Pour aller plus loin :

Ploton,1985 : Déments séniles, protocole d’entretiens à visée psychothérapique