Ré-interroger le concept de maladie d’Alzheimer


De l’importance parfois de ré-interroger les concepts.

Le cas du concept de Maladie d’Alzheimer dans les années 80.

   Peut-on se passer des armes et bagages que fournissent les concepts, tout en sachant qu’il faut « tenter de s’en déprendre, du moins ne pas leur rester soumis pour s’ouvrir à l’inconcevable » (Pontalis, 2000).

Dans le cadre de la maladie d’Alzheimer, les armes et bagages fournis par la médecine étaient dans les années 80 des conceptions bien arrêtées pour qui ne s’était pas ouvert aux concepts psychanalytiques.

L’inconcevable dans ce contexte, c’est qu’avec des personnes que l’on disait avoir un déficit global des fonctions intellectuelles, il était possible d’entrer en relation et communiquer.

C’est grâce à la relation avec les personnes malades que nous pouvons aller au delà de la définition de l’époque et ainsi nous retrouver dans la phrase de Pontalis citant Winnicott : « mes patients, mes maîtres ».

En clinique, face à nos malades, il est parfois nécessaire de laisser de côté les discours convenus et de s’attacher à ce qui, dans la situation présente est effective, c’est à dire vivre avec intensité un moment de relation vraie.

En d’autres termes, la définition de l’époque était tellement annihilante qu’elle pouvait freiner le désir de la Rencontre.

Odile et l’exemple de Mme L.

1984 : Mme L, jeune Alzheimer de 60 ans, manifeste un comportement très inadapté. Très agitée, elle ne supporte aucun contact et ne répond à aucune parole d’apaisement alors qu’elle est arrivée depuis peu dans un long séjour de 1200 lits dans la banlieue sud de Paris. Petit à petit, la violence des comportements s’est amendée. Elle a pu intégrer sa chambre dans un climat apaisé mais elle était totalement fermée au dialogue et passait ses journées à regarder un arbre où elle voyait son mari avec qui elle pensait avoir de grandes conversations. Beaucoup de soignants n’osaient pas lui parler, ne sachant pas trouver les mots, impressionnés par le diagnostic.

L’inconcevable dans ce contexte était ici de penser rentrer en relation avec une personne démente agitée, souvent très en colère, ne réussissant pas à trouver les mots pour dire sa détresse.

« Et pourtant, c’est bien cet inattendu qui se produisit. J’ai pu entamer un dialogue quasi quotidien d’un quart d’heure avec cette dame pendant plusieurs mois. Elle a accepté, petit à petit, de quitter des yeux l’arbre où elle voyait son mari pour entamer un dialogue avec moi. J’ai pu alors capter son regard. Elle a su trouver les mots pour raconter sa vie, ses difficultés, ses peurs. Ces rencontres lui ont permis de retrouver une vie sociale dans l’institution. Des soignants, témoins de ces échanges, ont pu à leur tour oser s’adresser à elle et accéder à des parcelles biographiques, considérant cette personne malade non plus comme une personne réduite à ses troubles mais bien comme une personne avec des capacités. »