Philosophie du soin et clinique


   Quel beau mot que celui de « philosophie » pour réfléchir à notre pratique de soin.

   Loin de nous la volonté de nous prendre pour des philosophes. Néanmoins, confrontés au réel, à la vie de tous les jours en EHPAD, nous nous sommes naturellement intéressés à ce qui permettait de donner du sens et de la valeur à notre pratique.

  Après avoir eu des grilles de lecture du côté de la médecine, de la psychologie et de la neuropsychologie, nous nous tournons maintenant vers de nouveaux concepts éclairants, ceux dont parlent si bien de nombreux philosophes. Nouvelle porte d’entrée, nouvelles clefs, nouveaux questionnements que nous souhaitons partager dans cette rubrique intitulée philosophie du soin et clinique.

  En tant que soignant, nous vivons au quotidien avec les représentations véhiculées par la pensée commune :

« Vous travaillez avec des personnes âgées ? Oh que cela doit être dur »

«  Aide-soignante en EHPAD ? C’est ce que vous vouliez faire ? »

ou bien…

« Les maisons de retraite, ce sont des mouroirs »

« La maltraitance c’est fréquent, je l’ai vu à la télévision »

« Les Alzheimer de toute façon on les enferme »

   Que de fausses images, de contre-sens, d’absence de réflexion témoignant d’une réelle ignorance de l’évolution (positive) de ce qu’est le travail de soin effectué dans de nombreuses institutions. Les soignants œuvrent avec compassion, savoirs faire et savoirs être, auprès des personnes âgées ayant une maladie d’Alzheimer.

   Via notre association, nous souhaitons donner au public une autre vision, celle vécue « de l’intérieur », au plus près des personnes malades, au plus près de la relation de soin avec la volonté de contribuer à une réflexion plurielle et de bousculer, voire de débusquer les « fausses bonnes idées » concernant le soin.

Nous voudrions élargir le concept de soin, en empruntant des définitions nouvelles aux philosophes qui s’intéressent à nos pratiques et ouvrent des perspectives dans la compréhension de notre travail au quotidien.

Nous voudrions que les soignants qui nous rejoindront sur ce site nous fassent part de leur point de vue, offrent des illustrations concrètes de résolution des problèmes qui émergent chaque jour, avec ses dilemmes moraux, et éthiques.

Nous voudrions contrer des affirmations sans nuances prononcées a contrario par d’autres intellectuels reconnus, extrêmement brillants dans leur discipline (et que nous avons tant d’intérêt à lire mais qui, parlant de ce sujet ultra-sensible qu’est la maladie d’Alzheimer et les soins en fin de vie, pensent alors en se protégeant : dire que les EHPAD sont des lieux que l’on ne devrait plus voir, que cet « enfermement est indigne, qu’il n’y a aucune possibilité d’épanouissement dans de tels lieux », leur permet de faire une critique sévère du soin plutôt que de se pencher sur une donnée pourtant bien philosophique : qu’est ce que la mort pour l’être humain).

   Les sujets d’échange sont nombreux. La gériatrie est neuve et demande à être discutée, enrichie de concepts éclairants, reconnue dans ce qu’elle apporte de totalement nouveau sur les pratiques du soin.

   Au total, il nous faut continuer de montrer que nos pratiques sont au cœur d’un large mouvement de réhabilitation de l’entraide inter-humaine, de la sollicitude, de la place de l’affect dans le soin relationnel dont celui dispensé auprès des personnes âgées dépendantes est paradigmatique.

   Paradoxalement très innovant (qui l’eut cru que nous soyons inventifs dans ce domaine qui fait si peur et appréhendé encore trop souvent comme inhumain), nous voulons donc contribuer à faire connaître le très beau travail effectué par de si nombreuses équipes soignantes, travail de fourmis, un peu dans l’ombre, alors qu’il devrait être dans la lumière d’une belle aventure.

Odile Letortu & Caroline Mauger