Neuropsychologie et recherche


   Soigner par l’Art.

   Soigner le corps et l’esprit par la pratique ou l’exposition aux productions artistiques, l’idée n’est pas nouvelle et la philosophie antique est souvent citée comme source. Cependant, les pratiques d’art-thérapie sont assez récentes, elles émergent au début du 20ème siècle aux Etats-Unis et en Angleterre sous l’impulsion d’éducateurs ou de psychanalystes.

  L’art-thérapie correspond aujourd’hui majoritairement à des pratiques psychothérapeutiques d’orientations psychanalytiques ; mais si le corps du patient est bien convoqué dans ces pratiques (en particulier lors d’ateliers se fondant sur la réalisation artistique), le cerveau et son fonctionnement ne sont généralement pas considérés.

   Paradoxalement, on assiste depuis quelques années à un intérêt croissant des pratiques d’art-thérapie auprès de patients cérébrolésés, et en particulier des patients atteints de maladie neurodégénérative en institution, où de plus en plus d’ateliers utilisant des médias artistiques comme la « peinture » ou la « musique » sont proposés. Il y a certainement une ambiguïté fondamentale à utiliser le terme « thérapie » dans le contexte des maladies neurodégénératives, car chacun sait qu’il ne s’agit pas d’avoir l’ambition de guérir les patients, mais de contribuer au bien-être et éventuellement à la diminution des troubles du comportement.

     Que savons-nous des effets spécifiques des pratiques d’art-thérapie ?

    Comment expliquer, d’un point de vue neuropsychologique, l’éveil cognitif, la satisfaction et le plaisir palpable ainsi que l’augmentation de la qualité relationnelle que nous observons, même chez des patients à des stades sévères de leur maladie ?

   De notre point de vue, les liens particuliers et peut-être privilégiés qu’entretiennent les arts et le cerveau ont été dans ces questions trop souvent et trop longtemps négligés. Par exemple, la musique est un intéressant média dans la régulation de l’humeur, mais elle nous a surtout permis de révéler des capacités préservées d’apprentissage jusqu’à un stade avancé de la maladie d’Alzheimer.

   Il reste beaucoup à faire en ce domaine afin notamment d’expliquer les capacités préservées des patients et de s’appuyer réellement sur celles-ci dans la prise en charge.

    En travaillant main dans la main, cliniciens et chercheurs pourront avancer dans la compréhension de ces phénomènes et imaginer les applications qui peuvent en découler dans les pratiques de soins. C’est cette complicité entre cliniciens et chercheurs que nous avons eu la chance de vivre ces 10 dernières années avec Odile Letortu (Médecin gériatre), Caroline Mauger (Neuropsychologue) et les professionnels d’EHPAD tels que les Pervenches près de Caen (groupe Hom’age), et ce sont les réflexions et résultats de ces travaux passés et en cours que nous souhaitons vous faire partager.

Mathilde Groussard & Hervé Platel

Inserm U1077, Université de Caen Normandie